"[Et ben j'ai pas de bol...] Enfin il y a des jours à pas de chance, et d'autre avec. Comme par exemple [celui] où je reçus dans toute sa modernité le papyrus envoyé par Ciboulette. L'herboriste du château n'avait même pas voulu me cacher qui elle était malgré le fait qu'elle m'écrivait sous pseudonyme. La pistache bleue, sans doute une de ses trouvailles.
À l'ouverture du parchemin je fus de suite assailli par les odeurs épicées qui émanaient de cette encre à base de sève végétale que seule elle est capable de créer. Je me mis alors frénétiquement à lire ces quelques lignes. Je dus m'y reprendre à quelques reprises pour accepter l'inévitable, son ire était sur moi. Néanmoins elle me donna son autorisation afin que je lui envoie une missive en retour.
Bien du temps j'hésitais sur les termes à employer ! C'est que lorsqu'il s'agit de l'humeur d'une femme, aussi belle et intelligente soit-elle, un terme mal placé, une nuance mal construite et tous les efforts passés auront été vains. Finalement, je mis une touche finale à ma missive et lui expédiais la promesse qu'elle représentait pour moi via le même messager assez étrange qu'elle avait utilisé à l'origine. "Il est rapide et discret", m'a-t-elle affirmé. Et en effet, mes espoirs ne furent pas vains, une réponse vint bientôt. Depuis ce jour nous entretenons une correspondance très active. Et lorsque mes occupations professionnelles m'emmènent loin de ma belle (qui jamais ne quitte mon coeur et dont l'esprit ne peut se distraire) nous trouvons d'autres moyens. Parfois plus lents, parfois incertains, mais toujours ayant le même but ; prouver à l'autre que notre éloignement physique ne peut en rien porter atteinte à notre amour.
Un jour l'un de nous, voire les deux devront faire un choix. Nous devront laisser de côté nos activités si assymétriques d'herboriste et de marin afin d'enfin être capables de nous réunir et de jamais, jamais plus ne devoir souffrir telle souffrance que signifie l'éloignement qui nous sépare si souvent.
Elle est celle qui m'a envoûtée, celle dont le philtre d'amour est aussi simple à réaliser que de quoi raviver un enfant mort-né afin de le ramener à ses parents désespérés. Elle est celle pour qui le langage des plantes n'a aucun secret. Elle est celle qui a jamais dévoua sa foi à son roi mais dont le coeur appartient à elle seule.
Elle est celle qui obnubile le mien ; elle s'appelle Ciboulette et je suis fier de pouvoir crier du plus haut de sa tour solitaire que je l'aime.
Ton dévoué serviteur"